La société new-yorkaise WeWork fondée en 2010 — qui portera désormais le nom de We Company — compterait à ce jour quelque 550 sites dans près de 100 villes d’une trentaine de pays. Un tiers de ces espaces sont situés aux États-Unis, dont une cinquantaine seulement à Manhattan. Au Canada, la société exploite deux sites à Montréal, sept à Toronto et cinq à Vancouver. Et à Bogotá, où je me trouve en ce moment, je compte cinq adresses dont trois affichaient complet le mois dernier. Les fondateurs Adam Neumann et Miguel McKelvey se sont donné pour mission de «créer un monde où l’on peut profiter de la vie tout en travaillant».
WeWork, ça vous dit sûrement quelque chose. Vous vous rappelez cette politique inédite relayée dans un article de La Presse en août dernier intitulé Espaces de travail partagés: WeWork dit non à la viande?
La ligue des grands
WeWork joue définitivement dans une ligue à part. Les deux fondateurs, aujourd’hui milliardaires, souhaitaient être présents sur tous les continents dès 2017: un objectif qui semble avoir été atteint en 2018.
L’entreprise ne vend aucune franchise. Elle exploite directement les dizaines de millions de pieds carrés 1) qu’elle loue à long terme, 2) transforme en endroit communautaire cool, 3) et sous-loue ensuite à la journée ou au mois aux travailleurs indépendants et aux petites et moins petites entreprises. Elle s’insère donc entre le propriétaire de l’édifice et ses locataires. Ce faisant, WeWork devient un important locataire d’espaces de bureaux. Parfois même le plus important dans certaines villes comme c’est maintenant le cas à Manhattan et dans le centre de Londres.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la croissance de cette startup maintenant évaluée à 45 G$ US est fulgurante. Toutefois, les bénéfices tangibles se font encore attendre. Ils sont prévus pour 2019-2020. Pour un résumé du modèle WeWork en 10 minutes, visionnez l’étude de cas de Tom Ellsworth (clairement un fan).
Des espaces partagés et … une idéologie?
WeWork souhaite créer «un monde» et c’est bien ce que ses dirigeants ont prévu faire depuis le début. Parce qu’il n’y a pas que les bureaux partagés. On trouve aussi, à New York principalement, les entreprises We.co avec les appartements WeLive, les écoles primaires et professionnelles WeGrow et le centre de santé RiseByWe. La planète We Company comprend aussi une vingtaine de WeWork Labs destinés aux startups, dont un à Toronto. À ce monde encore naissant s’ajoute la plateforme de groupes sociaux Meetup, une filiale détenue à 100% par WeWork depuis l’an dernier. Et ce n’est que le début puisqu’on peut lire dans cet article fort intéressant de Fast Company qui vient de paraître que le plan initial inclut les concepts de WeSleep, WeSail et WeBank pour ne nommer que ceux-là.
Bien que les espaces proposés soient des plus attrayants, l’idéologie qui semble se développer derrière la planète We me dérange. Bien sûr, j’adhère à l’idée de réduire la consommation de viande. Cependant, j’aurais plus apprécié que la société annonce une nouvelle bourse pour des projets innovant contribuant à réduire la consommation de viande ou ses effets négatifs là où ça compte. C’eut été moins discriminant qu’une règle interne arbitraire et plus en phase, il me semble, avec le discours sur la communauté, l’altruisme, l’innovation et la diversité.
L’offre et les commodités distinctives
Les espaces WeWork offrent toutes les commodités classiques d’un espace de cotravail idéal incluant la bière pression (non à la viande, mais oui à l’alcool). Autre avantage indéniable: peu importe dans quelle ville vous vous trouvez, vous aurez toujours droit à un standard de qualité uniforme partout dans le monde.
Voici ce qu’il en coûte pour faire partie de l’univers WeWork à Place Ville Marie:
- 225 $US* pour un poste de travail non attribué;
- 315 $US pour un poste attribué;
- de 488 $US (1) à 173 $ (+ de 50) pour un bureau privé.
* Bien que je mentionne les prix en dollars US pour faciliter l’exercice de comparaison, sachez que WeWork affiche tous ses prix dans la devise locale.
L’expérience de cotravail
La grande salle commune où je me suis installée me rappelle une salle de lecture d’une bibliothèque un peu cloîtrée. Le confort y est. La tranquillité et l’ambiance feutrée également. Aucun point négatif à souligner à part peut-être le faible ratio de cabines téléphoniques et l’absence de vue extérieure à cet étage. Mon expérience a donc été positive pour ce qui est de l’espace lui-même. Je note quand même quelques points décevants:
- L’espace communautaire où toute l’action se passe est situé à l’entrée. Il est très animé, mais plutôt petit compte tenu des 60 000 pieds carrés (5 575 mètres) de l’endroit. Réseauter est donc un peu ardu dans cette zone à mon sens.
- C’est excitant de croire qu’on pourra accéder à un vaste réseau d’espaces dans plusieurs villes, mais cette idée séduisante se concrétise seulement avec l’abonnement Global Access. Ça veut dire que l’abonnement local ne permet pas de passer ne serait-ce que quelques heures par mois à une autre adresse WeWork. Dommage, surtout pour les New-Yorkais. Heureusement, ils ont Croissant inc.
- La personne au recrutement qui s’est occupé de ma journée d’essai n’a pas effectué le suivi convenu après mon départ. J’ai le sentiment que le travailleur nomade ne fait pas partie des clientèles visées. Heureusement, il y a plusieurs espaces de cotravail chouettes et plus adaptés à ce profil à Montréal dont je vous parlerai prochainement.
Mon essai chez WeWork a été effectué le lundi 11 juin 2018 pendant une journée complète.